Le Salon d’automne de l’Autre Livre est l’un des rendez-vous majeurs de l’édition indépendante à Paris. Il se tiendra, cette année, du 21 au 23 novembre 2025 à la Mairie du 5e arrondissement. À cette occasion, ActuaLitté invite les éditeurs exposants à prendre la parole : aujourd'hui, focus sur la maison d'édition Sans Crispation.
Un article paru sur Actualitté.com
L’une des forces de la littérature est de suggérer, d’anticiper par la seule fiction, l’existence de mondes connexes où l’histoire pourrait s’écrire autrement…
Celle de l’édition française, par exemple ? Tout proche de passer aux mains (à l’égal des médias) d’une poignée de propriétaires qui cumulent à eux seuls 80% ou plus de son chiffre d’affaire (près de 2,6 milliards en 2024), nourrissent, pour certains d’entre eux, des ambitions moins littéraires qu’idéologiques, remettent en cause l’indépendance des auteurs, trustent la production intellectuelle (plus de 80 % du nombre de livres vendus), ne laissent que quelques plumes aux trois-quatre milliers d’éditeurs hors conglomérat (ne parlons même pas de la micro édition !) dont (allons, allons !) on déplorera l’existence et que l’on soupçonnera, de façon perverse, de « surproduire ».
D’être à l’origine d’un paysage culturel en « surchauffe » (attention au burn-out). Et donc d’enrayer cette mécanique bien huilée qu’est notre chaîne éditoriale. Autrement dit de planifier notre propre « suicide » et donc la mort de la bibliodiversité. Voire de la littérature (n’ayons peur de rien) ! Discours évidemment tronqué et biaisé validant un système dangereusement déséquilibré (celui de l’hyper concentration : hors de question de partager avec des claque-faim) et visant à culpabiliser les petits poucets (poulets !) de l’édition indé.
Quand je parle d’édition indépendante, je fais référence aux petites structures dont nous sommes – fragiles petits poulets, donc, d’une industrie encore florissante, quoiqu’on en dise, et qui s’efforcent, par un travail acharné, de permettre au lecteur « d’atteindre de nouveaux territoires linguistiques », de « nouvelles expériences de lecture » en s’octroyant la liberté de publier des auteur(e)s qui rejettent la routine, la monotonie, le repli sur soi. Pratiquent le doute et osent.
C’est justement cette littérature que nous défendons (celle dont on dit qu’elle se vend mal, est en « surproduction », menace la bibliodiversité, et patati et patata), tout genre confondu : celle qui permet de dérouler le fil qui relie à l’autre donc à soi.
Car lire, écrire ne devrait être que cela : tenter d’ouvrir des brèches, des portes qui ne renvoient pas au vide, mais au monde dans sa complexité et sa diversité : à l’inconnu, à cette voix et à cette parole vivante venues d’ailleurs, à l’autre, à ceux qui, disposant librement de leur temps pour penser, ne se sont résignés ni à la banalité ni à la fatalité.